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Visez un peu les clichés de mes périples ! ;) |
Comme
nous l'observons sur les photos garnissant le planisphère ci-dessus,
certains paysages urbains semblent être devenus de véritables
vitrines commerciales. J'ai choisi d'illustrer mon exemple avec cette célèbre firme transnationale, dealeuse d'hamburgers/frites aux
quatre coins du globe (dans 119 pays exactement).
De
Pretoria, à Sao Paulo, Reykjavik, Casablanca, ou même Moscou
(jusqu'au cœur de l'ex-bastion soviétique !), nous nous apercevons
que cette enseigne respecte un stricte cahier des charges dans la
construction de ses magasins. La principale impression émanant de
ces photographies reste la standardisation de ces constructions : la
forme globale du magasin, du toit ; le choix du matériau utilisé -
tuiles pour le toit, brique de pierre pour les murs - ou encore la
prépondérance de l'enseigne.
En
quoi cette quête de construction-type est-elle si gênante pour mes concitoyens ? L'uniformisation
paysagère ne semble déranger en rien ceux qui, toujours plus
nombreux, vont se dorer la pilule dans un Club Med à l'autre
bout du monde. Ces centres de vacances restent tout autant standardisés qu'un fast-food
d'envergure internationale. Enfermé dans un centre de vacances,
Aix-en-Provence n'est-il pas aussi doux et sympathique que Djerba ou
Agadir ? Pourquoi donc traverser le globe ?
Plus
sérieusement, imaginez seulement à quoi ressembleraient nos rues si
toutes les enseignes transnationales décidaient de s'y
installer ? Les
Zones Commerciales abritant ce genre de franchises commerciales
semblent être un bon exemple de la perte d'identité de ces
parcelles urbaines ; je vous mets au défi d'identifier le nom d'une de
ces zones - ou le nom de leur ville hôte - en vous montrant plusieurs
photos de ces premières (à moins d'en être le résidant ou
originaire, encore que !). Défi pratiquement impossible tant elles
se ressemblent toutes et de plus en plus...
La
diffusion exponentielle de produits standardisés ne touche pas que
les hamburgers et le domaine alimentaire mais aussi d'autres
catégories commerciales tels que le textile, l'ameublement, etc. Il
s'agit là de l'uniformisation des enseignes commerciales, partie
intégrante d'une mondialisation et mutation paysagère des villes
lente mais néanmoins très active, telle une lame de fond.
Plus
que les commerces pris individuellement, ce sont également des zones
urbaines entières (dont les zones commerciales) qui sont élaborées
systématiquement selon le même processus. En effet, les besoins,
les hobbys, les idéaux se diffusent, et leurs modes de vie avec. Les
FTN (Firmes TransNationales), dont bon nombre restent américaines,
imposent des goûts, des habitudes de consommation : "a way of life".
Il serait faux de penser que l'uniformisation des fonctions urbaines
ne touchent que les zones commerciales. Sur le modèle des CBD
(Central Business District) américains, la France possède, par
exemple, quelques quartiers d’affaires parmi les plus importants
d’Europe. On citera notamment le quartier de « la Défense »
dans l'Ouest parisien, celui de « La Part Dieu » à Lyon
ou encore le projet « Euroméditerranée » à Marseille,
des véritables copies de quartiers d'affaires à l'américaine.
Autrefois, nos grandes villes françaises avaient leurs propres
spécificités structurelles et organisationnelles (L'Hypercentre : centre-ville mixé d'habitat et
commerces en Europe, tandis qu'on y trouvera plutôt un CBD en Amérique du
Nord).
Désormais, des poches de croissance se développent dans des
pays d'horizons diverses mais elles y adoptent les mêmes paradigmes,
les mêmes façons de fonctionner et y appliquent donc les mêmes systèmes
d'aménagement, lois paysagères sur leur territoire. Ainsi, en
France : Paris, Lyon et bientôt Marseille tendent à fonctionner
comme les grandes métropoles du monde. Seront-elles
encore longtemps des villes françaises ? Sous quel motif, une
organisation calquée sur les grandes agglos, des
capitaux provenant des plus importantes institutions mondiales, des aménagements
urbains fruits de l'exemple des cités modèles internationales en
vogue, car les plus fonctionnelles et efficientes...
La
baguette, le camembert ou même le drapeau français ne sont plus,
depuis bien longtemps déjà, l'étendard de ces grandes villes. En
réalité, elles se dévoilent être de petites parcelles prospères d'un
système mondialisé aux codes bien spécifiés et
respectés. Le risque pour nous resterait de penser que ces villes
font notre État et se préoccupent de notre sort. En dehors de ces
poches de richesse s'indigneront exclus, bannis, inquisiteurs
insoumis à cette standardisation des environnements de vie. Le quart-monde
est déjà là et bien là !
Étudions un
dernier axe de l'urbanité, celui de l'uniformisation des normes de construction.
Ces dernières préconisent par exemple le choix d'un matériau
plutôt qu'un autre. Dernièrement, au Burkina Faso, il a été
décrété qu'il valait mieux utilisé le ciment plutôt que le
banco, matériau local réalisé à base de terre crue.
Les normes de construction peuvent
également régir la future forme des bâtiments à construire ; à
étages dans le centre des villes afin d'éviter l'effet tâche
d'huile et le phénomène de déconcentration urbaine ; une ville
trop éparpillée ne serait pas efficiente. La sacro-sainte
efficience urbaine... Une
chose demeure certaine, cette standardisation des besoins et des idéaux fait le bonheur de puissantes firmes internationales spécialisées dans la construction, pouvant produire ciments et briques par
millions et bénéficier d'importantes économies d'échelle
inhérentes à leur coût de production simplifié. Cela, même si
les matériaux produits et préconisés dans les cahiers des charges ne semblent pas coller avec le paysage et l'environnement local. Les fortes/basses températures, la sécheresse/l'humidité,
l'ensoleillement, ne peuvent pas tous être les alliés de la
cimenterie, si ? Par
ailleurs, ces grands groupes dans le domaine du bâtiment se voient
assurer de remporter des appels d'offres alors qu'ils n'auraient pu
s'aligner s'il s'agissait de projet à réaliser avec des matériaux
trop locaux, nécessitant un savoir-faire autochtone.
Pourquoi
donc les nouveaux riches quartiers africains tels que ACI2000 à
Bamako ou encore Ouaga2000 à Ouagadougou, sont voués à ressembler,
à tout prix, aux quartiers occidentaux ? Peut-être parce que ces
poches de richesses sont érigées de telle
sorte qu'elles ne soient pas différentiables à travers le monde, afin d'y accueillir
plus facilement le gotha mondial et son argent, tant désiré. Nous
passerons sur les problèmes d'éthique à propos des ces hérésies
urbanistiques, lorsqu'à proximité, des cases de bric et de broc se
montent et se démontent chaque jour dans la plus grande insouciance
des dirigeants de ces pays.
L'uniformisation
urbaine dans sa globalité demeure d’autant plus difficile à
contrer qu'elle se développe de manière très lente et quasiment
imperceptible, dans un paysage où toute intrusion semble absorbée
par la complexité de la trame déjà existante. Ceci étant,
ne soyons pas dupes, si les villes françaises se sont formées sur un schéma identique (les fonctions urbaines) depuis plus de deux
siècles dans notre pays ; pourquoi la même chose ne se
déroulerait-elle pas au niveau international aujourd'hui ? Les grandes
villes actuelles adoptent toutes les mêmes stratégies
organisationnelles, fonctionnelles afin d'y attirer prospérité et
croissance. Toutes celles qui réussissent ont valeur d'exemple, le
seul et unique exemple valable dans un système capitaliste
mondialisé. Pourquoi, dans ces conditions, les villes du futur ne se
seraient pas vouées à tendre vers une standardisation extrême ?
Évidemment,
Ouagadougou ne sera jamais Paris et Paris ne sera jamais Los Angeles
mais les parallélismes paysagers s'accroissent et les ravins se
creusent à la lisière de ces métropoles ; aux frontières de l'efficience. Peut-être qu'un jour
prochain, Paris ne sera plus Paris, mais « poche de prospérité
n°... mondiale » et sa nationalité sera obsolète,
puisqu'inutile.
Qu'adviendra-t-il
alors des travailleurs de ces villes sans âme, de leurs résidents sans particularisme, mais également de ceux qui en sont progressivement tenus à l'écart ?
Simon
B.